Une personne compatissante, voyant un papillon lutter pour se libérer de son cocon, et voulant l’aider, écarta avec beaucoup de douceur les filaments pour dégager une ouverture. Le papillon libéré sortit du cocon et battit des ailes, mais ne pu s’envoler. Ce qu’ignorait cette personne compatissante, c’est que c’est seulement au travers du combat pour la naissance que les ailes peuvent devenir suffisamment fortes pour l’envol. Sa vie raccourcie, il la passa à terre. Jamais il ne connut la liberté, jamais il ne vécut réellement …
Apprendre à aimer, la main ouverte, est une toute autre démarche. C’est un apprentissage qui a cheminé progressivement en moi, façonné dans les feux de la souffrance et les eaux de la patience. J’apprends que je dois laisser libre quelqu’un que j’aime, parce que, si je m’agrippe, si je m’attache, si j’essaie de contrôler, je perds ce que je tente de garder. Si j’essaie de changer quelqu’un que j’aime, parce que je sens que je sais comment cette personne devrait être, je lui vole un droit précieux, le droit d’être responsable de sa propre vie, de ses propres choix, de sa propre façon de vivre.
Chaque fois que j’impose mon désir ou ma volonté, ou que j’essaie d’exercer un pouvoir sur une autre personne, je la dépossède de la pleine réalisation de sa croissance et de sa maturation. Je la brime et la contrecarre par mon acte de possession, même si mes intentions sont les meilleures ! Je peux brimer et blesser en agissant avec la plus grande bonté, pour protéger quelqu’un. Et une protection et une sollicitude excessives peuvent signifier à une autre personne plus éloquemment que des mots: « Tu es incapable de t’occuper de toi-même, je dois m’occuper de toi parce que tu m’appartiens. Je suis responsable de toi. ». Au fur et à mesure de mon apprentissage et de ma pratique, je peux dire à quelqu’un que j’aime: « Je t’aime, je t’estime, je te respecte et j’ai confiance en toi. Tu as en toi ou tu peux développer la force de devenir tout ce qu’il t’est possible de devenir, à condition que je ne me mette pas en travers de ton chemin.
Je t’aime, tant que je peux te laisser la liberté de marcher à coté de moi, dans la joie et dans la tristesse. Je partagerai tes larmes, mais je ne te demanderai pas de ne pas pleurer. Je répondrai, si tu as besoin de moi, je prendrai soin de toi, je te réconforterai, mais je ne te soutiendrai pas quand tu pourras marcher tout seul. Je serai prête à être à tes cotés dans la peine et la solitude, mais je ne les éloignerai pas de toi. Je m’efforcerai d’écouter ce que tu veux dire, avec tes paroles à toi, mais je ne serai pas toujours d’accord avec toi. Parfois je serai en colère, et quand je le serai, j’essaierai de te le dire franchement, de façon à ne pas avoir besoin d’être irritée par nos différences, ni de me brouiller avec toi. Je ne peux pas toujours être avec toi ou écouter ce que tu dis, parce qu’il y a des moments où je dois m’écouter moi-même, prendre soin de moi. Quand cela arrivera, je serai aussi sincère avec toi que je pourrai l’être. » J’apprends à dire cela à ceux que j’aime et qui sont importants pour moi ,que ce soit avec des mots ou par ma façon d’être avec les autres et avec moi-même. Voilà ce que j’appelle « aimer, la main ouverte» . Je ne peux pas toujours m’empêcher de mettre la main dans le cocon … mais j’y arrive mieux, beaucoup mieux, depuis que je me respecte aussi.
Ruth Stanford